Votre santé
Intervention chirurgicale et statut nutritionnel : Pourquoi mon chirurgien souhaite-t-il que je m’occupe de mon poids et de mon état nutritionnel avant l’intervention ?
Dans la prise en charge complète pour prendre une décision chirurgicale, le statut nutritionnel a nécessairement été estimé.
Le poids actuel du patient ainsi que l’historique du poids, une insuffisance ou une surcharge pondérale, exercent une influence importante sur les risques de l’anesthésie, de la chirurgie et sur les suites post-opératoires. Le poids influe sur l’intubation, la ventilation mécanique, l’installation du patient, ses points d’appuis prolongés, la profondeur du cône de travail, la taille de l’incision nécessaire, l’hyperpression veineuse, le saignement peropératoire. En post-opératoires sur les risques : thrombotique, de phlébite, de désunion de cicatrice, d’infection, de trouble du transit intestinal, de déstabilisation de prothèses ou implants, de difficultés de rééducation…
Il a été démontré que la prise en charge préopératoire du statut nutritionnel permettait de réduire tous ces risques.
Déterminer le statut nutritionnel pré opératoire des patients:
L'évaluation nutritionnelle commence par un examen clinique complet qui doit comporter :
-
L’examen clinique nutritionnel
-
le calcul de l’IMC (Indice de Masse Corporelle) avec la mesure du poids actuel et de la taille
-
la mesure de la composition corporelle pour déterminer l'IMG (Indice de Masse Grasse)
1. L’examen clinique nutritionnel
Il permet d’apprécier les réserves lipidiques, protéiques et micro-nutritionnelles du patient par l’observation :
-
Des cheveux (rares, fins, secs, décolorés) et des ongles (abîmés, cassés, tachés)
-
De la couleur du visage (pâleur), de l’état des lèvres (gercées, fissures) et de la structure de la peau (desquamation)
-
De l’état musculaire, surtout au niveau des biceps
-
De la palpation du foie pour envisager une hépatomégalie (témoin d’une éventuelle stéatose)
-
Des signes neurologiques des carences sévères (élocution difficile, trou de mémoire)
2. L'IMC (l'Indice de Masse Corporelle)
L'indice de masse corporelle permet d'estimer le poids idéal en fonction de la taille. Son calcul est simple : il correspond au poids divisé par le carré de la taille (IMC = poids en kg/taille² en m). Le chiffre obtenu permet d'estimer la corpulence et éventuellement l’insuffisance pondérale, le surpoids ou l'obésité chez l'adulte, homme ou femme.
Un IMC normal est compris entre 18,5 et 25.
En dessous de 18,5, l'individu est considéré en état de maigreur.
Au-dessus de 25, c'est du surpoids. A partir de 30, nous parlons d'obésité.
► INSUFFISANCE PONDERALE ou DENUTRITION IMC < 18,5 kg/m²
Un patient est considéré comme présentant une dénutrition cliniquement pertinente pouvant entraîner des complications postopératoires s’il présente : un IMC ≤ 18,5 ou un IMC < 21 chez le sujet de plus de 70 ans ; ou une perte de poids récente d’au moins 10% ; ou une albuminémie inférieure à 30 g/L (en cas de chirurgie majeure, la mesure de l’albuminémie en préopératoire est probablement recommandée) indépendamment de la CRP. La présence d’un seul de ces critères cliniques ou biologiques suffit à définir une dénutrition.
► SURCHAGE PONDERALE ET OBESITE
Un patient est obèse lorsque son IMC est égal ou supérieur à 30. Il y a plusieurs niveaux d’obésité définis par la valeur de l’IMC. Elle est morbide quand l’IMC est égal ou supérieur à 40.
3. L'IMG (l'Indice de Masse Graisseuse)
L'indice de masse grasse ou indice de masse graisseuse ou encore indice de masse adipeuse, est une mesure moins connue que l'IMC qui permet d'évaluer sa proportion de graisse dans le corps.
L'IMG peut se mesurer grâce à différentes techniques :
-
Avec une balance impédancemètre qui va simplement permettre de donner une estimation de l'indice de masse grasse, grâce à un courant électrique faible qui traverse le corps (les tissus musculaires ayant une résistance électrique plus faible que les tissus adipeux). Pour une mesure la plus précise possible le patient est à jeun, allongé après 10 minutes de repos et la vessie vide. Cet outil, validé scientifiquement, donne un bon niveau d’information nutritionnelle.
-
Avec le test du pli cutané (à réaliser par une personne expérimentée) qui va estimer la masse grasse à l'aide d'une pince qui enserre la peau à des endroits spécifiques du corps (pli cutané ombilical, sur la face postérieure du bras...). Un pli supérieur à 2 cm peut refléter un excès de masse grasse. L’inverse renseigne sur l’état de dénutrition d’un patient.
-
Avec une DEXA, utilisant des rayons X à très faible dose, permettant de mesurer à la fois la masse grasse et la masse osseuse (utilisé également pour diagnostiquer une ostéoporose).
-
Avec un scanner qui va évaluer le volume de graisse dans le corps, plus irradiant que le DEXA.
Fixer des objectifs pour les patients
Une fois le statut nutritionnel déterminé, la notion temps doit être prise en compte dans les objectifs.
Le diététicien travaille alors en concertation avec le chirurgien pour trouver un compromis intégrant à la fois l’urgence de la chirurgie et les capacités en matière de correction nutritionnelle.
Plusieurs cas de figures sont ainsi possibles :
A. Intervention chirurgicale nécessaire à court terme
Dans certaines situations, une abstention chirurgicale conduirait à court terme à des lésions séquellaires invalidantes définitives ; on pense en particulier aux interventions de décompression nerveuse (hernie discale paralysante, canal rachidien lombaire ou cervical étroit en aggravation neurologique rapide…) et les pathologies articulaires rapidement évolutives.
Dans de telles situations, où l’intervention doit être pratiquée en relative urgence, une perte de poids volontaire préopératoire n’est pas recommandée. Les bénéfices apportés par une perte de poids minime et non stabilisée, seraient écrasés par les risques liés à la fatigue et la baisse des capacités de cicatrisation.
En revanche, Il est recommandé de s’assurer que les besoins en protéines sont couverts chez tous les patients en préopératoire (1,2 à 1,5 g/kg par jour)
Tout comme seront traitées en priorité les éventuelles carences alimentaires :
-
en fer : plus élevée chez le sujet obèse Un dépistage (fer sérique et ferritine) et une correction du déficit sont recommandés en préopératoire
-
en thiamine (B1) : plus élevée chez le sujet obèse également, une dose sous forme orale est souhaitable
-
en vitamine B12 : Un ajustement de la supplémentation en vitamine B12 est probablement nécessaire pour les sujets obèses car les réserves en vitamine B12 sont souvent plus faibles.
En cas d’amaigrissement, volontaire ou pas, avant un acte chirurgical, un bilan nutritionnel plus précis est souhaitable afin d’évaluer des anomalies qui pourraient interférer avec l’intervention et ses suites (anémie, trouble de coagulation, trouble de cicatrisation, immunité…). Il conviendra de rechercher au minimum une hypoalbuminémie révélatrice.
B. Intervention chirurgicale à moyen terme
Dans un contexte de surpoids, chaque kilo perdu représente en situation dynamique une décharge importante des contraintes mécaniques sur les disques intervertébraux et sur certains cartilages et ligaments.
En préopératoire, l’objectif est de gagner en légèreté pour les patients en surpoids afin de faciliter l’intervention et les suites postopératoires. Pour estimer les besoins protéino-énergétiques du patient obèse, il faut calculer le poids normalisé pour un IMC théorique de 25 à 30.
Nous proposerons un régime hyperprotéique et hypocalorique pour garantir le maintien de la masse maigre et potentiellement une perte de poids autour de 500g par semaine.
1g de lipides « pèse » 9 kcal. Pour obtenir une perte de 500g par semaine, il faut réduire la ration de 700 Kcal par jour.
En post-opératoire, le sujet obèse doit recevoir un apport protéique élevé (environ 1,5 g/kg de poids normalisé par jour) pour freiner le catabolisme protidique et assurer l’équilibre de la balance protidique. Il n’est pas recommandé de prescrire une alimentation hypocalorique chez un patient obèse en postopératoire immédiat, le temps de la cicatrisation complète.
Dans certains cas où cette cicatrisation réclame des apports nutritifs essentiels, il est nécessaire de s’adapter aux besoins. Par exemple, dans le cas d’une fracture du fémur chez une personne âgée, il est recommandé d’atteindre les apports nutritionnels suivants : 30 à 40 kcal totale par kilogramme par jour et 1,2 à 1,5 g de protéines par kilogramme par jour.
C. Intervention à plus longue échéance
Un délai plus long avant la nécessité de chirurgie, nous permet de préciser sur les propositions nutritionnelles cette notion de légèreté à aller chercher pour le patient. Le diététicien-nutritionniste organise un suivi mensuel du patient adressé par le chirurgien jusqu’à l’intervention. Le chirurgien fixe la feuille de route initiale et les objectifs nutritionnels périopératoires. Le suivi établi par le diététicien doit permettre de déterminer dans le temps si les objectifs nutritionnels seront atteints par le patient et/ou prévenir le chirurgien des ajustements à anvisager si une éventuelle dérive s’installe.
La prise en charge diététique est complétée en micronutrition : cela consiste à utiliser des substrats énergétiques non pas uniquement pour leurs propriétés nutritionnelles, mais pour leur fonction dans la réponse à l’inflammation, l’immunité systémique ou locale (cellulaire ou humorale), la cicatrisation, les synthèses endocriniennes.
Il s’agit de l’arginine, la glutamine, les micronutriments, les acides gras insaturés oméga-3, les nucléotides.
Il ne faut pas prescrire de pharmaconutriments contenant de l’arginine chez le patient septique ou hémodynamiquement instable.
En chirurgie programmée non compliquée, il n’est pas recommandé de prescrire systématiquement de la glutamine en périopératoire.
En cas de complications postopératoires majeures, il est parfois utile de supplémenter en glutamine par voie intraveineuse, à forte dose (0,2 à 0,4 g/kg par jour soit 0,3 à 0,6 g/kg par jour de glutamine sous forme de dipeptide)
En résumé :
-
La présence d’une dénutrition ou la présence d’une surcharge pondérale en préopératoire sont des facteurs de risque de complications opératoires et postopératoires.
-
Le chirurgien conscient de ces risques doit dépister ces situations et collaborer avec le diététicien-nutritionniste pour mettre en place des actions nutritionnelles quantitatives et qualitatives.
-
L’accompagnement diététique garantit la validation de la feuille de route et permet surtout des réajustements coordonnés avec le chirurgien.
-
Un statut nutritionnel optimisé en amont de l’intervention maximisera objectivement les résultats de chirurgie.
Sources :
-Nutrition périopératoire : actualisation des recommandations 2013 par Cécile Chambrier , François Sztark Service de Nutrition Clinique Intensive, Hôpital de la Croix Rousse, Hospices Civils de Lyon, 103 Grande-rue de la Croix Rousse, 69004 Lyon et Pôle d’Anesthésie Réanimation, CHU de Bordeaux, 33076 Bordeaux Cedex, France
-Dr Etienne Mireau – neurochirurgien
Article rédigé par Laurent DUFAY, diététicien à l'Espace Santé Sport de Paris